Regard sur… Philippe Gourier

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Extraits d’un texte de Dominique Dalemont :

En un temps, Philippe Gourier passait des heures et des heures, à souder côte à côte des centaines de petits morceaux de tige ronde (diamètre: 5mm), qu’il avait tronçonné à la même longueur (quelques centimètres). « La rigueur est un bon point de départ », commentera l’artiste. Ainsi a-t-il crée son langage, en commençant par « tramer » l’espace, développant des surfaces presque planes, homogènes et à claire-voie, qui finiront par s’entrecouper.

Depuis, lorsqu’une idée est riche de possibilités, Gourier s’impose de n’en développer qu’une seule à la fois, évitant de bifurquer. Le risque serait d’obscurcir le propos. Il sera temps plus tard, d’exploiter d’autres idées qui auront pu germer en cours de route. Dans un langage comportant peu de mots, la sobriété favorise, chez lui, une écriture poétique. (…)

L’encre tient peu de place sur la feuille de papier… De même, le sculpteur s’exprime avec peu de matière, de telle sorte qu’il n’a pas à supporter les conséquences du poids de l’acier. Il travaille, soit à l’échelle de la maquette de quelques dizaines de centimètres, soit à l’échelle du corps, sur la dalle de l’atelier, soit à l’échelle monumentale. Dans ce troisième cas de figure, il ne peut plus ouvrer seul.

A l’échelle de l’atelier, l’engagement physique lui tient à cœur. Il souligne l’aspect ludique de ce qu’il appelle la « mise en place », à plat par terre. Faire des essais, choisir ses longueurs, les emplacements, les espacements… C’est le moment de la spontanéité et de la sensualité.(…)

Les approches sont différentes selon la forme première du métal. Résistant à la froideur de l’acier qu’il redécouvre à la fin des années 80, Gourier évolue vers des tonalités plus chaudes. « J’avais conservé le souvenir d’un matériau neutre par excellence, raconte-t-il. Nulle forme qu’on ne puisse lui faire prendre, nul traitement qu’on ne puisse lui faire subir. Après avoir cherché longtemps le vernis idéal, celui qui protège  de façon inaltérable… j’accepte aujourd’hui que le matériau vive sa vie, oxydation comprise. J’achète du rond, de la barre, du carré, peu de profilés, je panache avec de vielles tôles. La récupération est un sport difficile… »

Importante est la manière de faire vieillir un peu les tôles récupérées. Par terre dehors, l’eau de pluie contribuera à cette lente maturation. Pour élargir sa palette de « petits rectangles » et obtenir finalement de superbes camaïeux de brun, le sculpteur fera des prélèvements sélectifs et ses découpes parmi ces plaques, mises de côté pour la beauté de la matière et leurs potentiels de couleur.